03/09/2015

Art. Jose Cunéo, un Argentin à Paris

José Cunéo devant ses boîtes lumineuses aux airs de maquettes de décors de théâtre. Photo Florence Martin.

En France depuis 29 ans, José Cunéo a conservé son accent chantant et une fantaisie poétique et grivoise qui n’est pas sans évoquer son compatriote Alfredo Arias, pour lequel il réalise des story-boards en bandes dessinées et des maquettes préparatoires de certains décors de scène. Cet Argentin fou de dessin depuis sa prime enfance débarque à Paname en 1986. Il devient illustrateur pour Pif gadget et Gai-Pied Hebdo. Les années 80 sont celle de l’épidémie du sida et la prévention du virus est alors un des chevaux de bataille de José, à grands renforts de crayonnés alertes. Peintre et auteur de BD par ailleurs, le jeune artiste sympathise avec l'entourage de Copi dont l’univers inspire ses personnages et les situations de ses ouvrages. Parmi eux, le Mariage de Roberto (1999) - BD satirique aux avant-goûts de lutte pour le mariage pour tous - est à son image : toute en truculence et décalage. Plus parisien que le plus parisien d’entre nous, l’homme habite et travaille aujourd’hui à la Goutte d’or, au cœur du 18e, quartier dont il affectionne la chaleur humaine.

Villa paradis des chats ou les toits de Montmartre la nuit.

Boîtes lumineuses et scènes de la vie quotidiennes. En plus de ses BD,  José crée des dioramas. Des boîtes lumineuses que je qualifierais de magiques, tant il en sort des histoires merveilleuses qui semblent s’animer sous nos yeux. Et cela sans même frotter ladite boîte, comme on le ferait d’une lanterne d’Aladin. Ces créations graphiques en carton et 3D sont éclairées par le fond grâce à un système de LED qui génère une ambiance intime, voire mystérieuse. Elles donnent à voir des scènes de la vie quotidienne : toits de Montmartre la nuit, devenus le repère de chats efflanqués ou contre-plongées sur des cours d’immeubles dont les fenêtres éclairées révèlent l’intimité des Parisiens. J’aime l’univers chaleureux et loufoques de ces œuvres qui évoquent les pop-up de notre enfance. Mais des pop-up en version BD parfois trash dont certains personnages sortent direct des films d’Almodovar. Rossy de Palma est du reste un des modèles de prédilection de Cunéo qui s’inspire également des ambiances de son Buenos Aires bienaimé.

José capture les scènes de votre vie quotidienne dans ses boîtes
personnalisées. Ici il s'invite Chez Célia.

A la commande. L’artiste travaille aussi à la demande pour vous offrir un instantané de votre cadre de vie perso, revu et corrigé par son regard malicieux. Pour vous offrir une de ces boîtes lumineuses, il vous suffira de l’inviter chez vous quelques heures afin qu’il s’imprègne de votre train-train quotidien et de la déco de votre intérieur. Le bain du petit dernier, les gammes de votre ado répétant au piano ou le tapis persan du salon, cadeau de bonne maman… Ces détails vécus feront le sel d’objets artistiques témoins de votre vie qui remplaceront avantageusement les portraits compassés et autres photos de famille dans le salon !

- Contact José Cunéo (son atelier de Paris) : 01 42 52 14 48 ; cuneo@live.fr



01/08/2015

Domination, alcool, sexe : le cocktail explosif de The Servant


Maxime d'Aboville et Xavier Laffite, serviteur
et maître. Photo Brigitte Enguerrand.
Alors voilà, aujourd'hui c'est mon anniversaire et c'est moi qui fais le cadeau. Et pas n'importe lequel. Je vous offre un bijou, une pièce de maître que vous aurez du mal à porter à l'annulaire, mesdames, puisqu'il s'agit de théâtre. The Servant qui fut monté sur grand écran par Joseph Losey avec l'inoubliable Dirk Bogarde dans le rôle du serviteur machiavélique est aujourd'hui adapté à la scène du théâtre de poche Montparnasse par Thierry Harcourt, d'après une traduction du texte de Robin Maugham. Et franchement, Dirk peut aller se rhabiller. J'exagère, certes, mais l'interprétation toute en retenue butée et en noirceur de Maxime d'Aboville en Barret (le valet), celles de l'affriolante Roxane Bret, sa complice, et de Xavier Lafitte en Tony (l'aristo cossard) qui passe d'une partition à l'autre avec un naturel désarmant sont du grand art. Maxime d'Aboville a d'ailleurs remporté le Molière du comédien de théâtre privé en 2015 pour son rôle. Perso, j'ai craqué plus encore pour le beau Xavier. Et n'allez pas croire que sa ressemblance avec Hugh Grant y soit pour quelque chose. Ou si peu… Sans rire, la finesse de son jeu m'a rappelé celle de Mesguich-père.  Quant au récit, celui d'une manipulation où les rôles entre maître et valet s'inversent, c'est une réussite de suspens psychologique. Cette comédie aux accents british parle de choses graves - la domination jusqu'à l'anéantissement d'un être par l'autre, en l'occurrence - avec un légèreté virevoltante, sur fond de jazz des années 50. Preuve que la gravité n'est pas forcément plombante. C'est du reste sans nous en apercevoir, ou presque, que nous sommes aspirés vers l'abîme sans fond que creusent les pervers sous leurs victimes.Violences conjugales, politiques sans scrupule, petits chefs harceleurs… L'histoire est universelle et la mécanique des manipulateurs de tous poils savamment décortiquée. J'y vois au moins une morale. Allez (le plus souvent possible) au théâtre, cela vous évitera bien des déboires !

- The Servant de Robin Maugham, traduction de Laurent Sillan et mise en scène de Thierry Harcourt au théâtre de poche Montparnasse, 75 bd du Montparnasse, Paris 6. Jusqu'au 12 juillet puis du 1e septembre au 8 novembre, du mardi au samedi à 19h et dimanche 17h30 . Tél. 01 45 44 50 21 ; www.theatredepochemontparnasse.com